Dans la communauté de Lerata, dans le comté de Samburu, au Kenya, la sécheresse de 2020-2022 causée par le phénomène climatique La Niña a eu un impact dévastateur. L’histoire de Maritina Lenanyangerra met en lumière les effets de la sécheresse sur la communauté et ses animaux d’élevage, dont une grande partie a été perdue. Le projet DR-SRM de VSF-Suisse fournit des formations et du matériel à la communauté pour l’aider à éviter de se retrouver à nouveau confrontée aux mêmes problèmes.
Selon le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNDRR, septembre 2024), dans la région du Kenya, de l’Éthiopie et de la Somalie, l’épisode La Niña de 2020-2022 a été le plus grave depuis 70 ans. La forte intensité de la sécheresse résulte de quatre saisons consécutives de précipitations insuffisantes. Le nord du Kenya a alors connu des crises alimentaires et nutritionnelles dues à cette sécheresse importante exacerbée par le changement climatique.
L’histoire de Maritina Lenanyangerra
Maritina Lenanyangerra, âgée de 45 ans, habite le village de Lerata, dans le comté de Samburu. Elle est mariée et a huit enfants. Elle évoque les défis auxquels la communauté a été confrontée lors de la sécheresse de 2020-2022 : « C’était l’une des pires sécheresses. Pris de panique, nos éleveur-euse-s ont migré avec leurs animaux d’élevage vers le comté voisin de Laikipia pour trouver de l’eau et des pâturages. Malheureusement, les habitant-e-s du comté de Laikipia avaient eux-mêmes besoin de ces maigres ressources. Certain-e-s de nos éleveur-euse-s ont été arrêtés, emmenés dans la ville de Nyahururu et ont été condamnés à une amende pour avoir empiété sur des terres privées. La plupart de nos animaux sont morts à Laikipia. Ils étaient trop faibles pour revenir ou se sont retrouvés en liberté, car il n’y avait personne pour s’occuper d’eux pendant l’arrestation. Nous avons dû vendre les quelques chèvres que nous avions pour payer l’amende ». Elle ajoute que sa famille comptait alors 98 animaux d’élevage, qui avaient migré vers Laikipia. « En fait, seuls 30 animaux sont revenus et la plupart d’entre eux ont succombé au manque d’eau et de pâturage. Il n’en reste que 18 ».
Le projet DR-SRM à Lerata
Le projet DR-SRM, financé par la Fondation Biovision, a permis d’identifier, d’enregistrer et d’établir un comité de gestion des ressources des pâturages de Lerata composé de 14 membres (7 hommes et 7 femmes). Maritina Lenanyangerra est la secrétaire de ce comité. Les membres du comité de gestion des pâturages ont reçu une formation sur de nombreux sujets, dont les suivants :
- Gestion participative des pâturages et gouvernance
- Réhabilitation des pâturages dégradés
- Utilisation alternative des espèces végétales envahissantes (gestion de l’Acacia reficiens pour la fabrication de briquettes et des gousses de Prosopis juliflora pour la mouture de blocs d’aliments pour les animaux)
- Dynamique de groupe et compétences commerciales
- Consolidation de la paix
Le projet a soutenu le comité de pâturage en lui fournissant des outils pour la conservation intégrée des sols et de l’eau, ainsi que des semences de pâturages plus adaptées à la sécheresse pour le réensemencement des terres dégradées. Maritina Lenanyangerra explique : « Nous avons mis l’accent sur l’élaboration des plans de pâturage, tirant des leçons de la perte de nos animaux à Laikipia, et nous avons mis en œuvre cette pratique. Nous ne voulons pas retomber dans ces travers ».

Résultats de l’intervention
En ce qui concerne les bénéfices réalisés grâce à l’intervention de VSF-Suisse en collaboration avec le gouvernement du comté, l’Indigenous Movement for Peace Advancement and Conflict Transformation (IMPACT) ainsi que l’Université de Nairobi, Mme Lenanyangerra affirme : « Grâce aux plans de pâturage que nous avons élaborés, nos animaux n’ont plus jamais migré vers un comté voisin. Nous avons pu les faire vivre sur ces 12 blocs de pâturage (1 bloc par mois) réservés à la fois au pâturage de la saison sèche et de la saison humide, et la paix règne. Nos animaux d’élevage sont en bonne condition physique, en bonne santé, et leur production de lait a augmenté, répondant aux besoins du ménage. Depuis, aucun animal n’est mort à cause de la sécheresse et la taille des troupeaux a augmenté. Je possède maintenant 30 bovins, 13 chameaux et plus de 300 moutons et chèvres. D’autres communautés du comté ont visité Lerata pour en savoir plus sur la gestion des pâturages ».
En ce qui concerne la mouture et le mélange de la farine de gousses de Prosopis juliflora avec de l’herbe et des feuilles pour produire des aliments pour animaux, elle ajoute : « Ces aliments sont riches en protéines et en énergie, fournissant ainsi de l’énergie à nos animaux pendant la période de sécheresse. Tous les animaux semblent vraiment apprécier cet aliment ! ».
Quelques défis à relever
« Notre seul défi en matière de gestion des pâturages est que nos voisins accèdent sans permission à nos pâturages préservés pendant la période de sécheresse, ainsi que les animaux sauvages, en particulier les éléphants des réserves naturelles voisines ». Elle a conclu qu’il fallait également sensibiliser les voisins à la gestion durable des pâturages et les impliquer dans la planification, afin de disposer à l’avenir de pâturages productifs pour tous les animaux.

Justus Namatsi
Chargé de projet
Kenya / Somalie