Sur le terrain sec et brûlé par le soleil de Kiliminsige Kebele, Dolo Ado Woreda, dans la région Somali de l’Éthiopie, l’histoire de Mumow Elemey Elekey et de sa famille montre qu’une aide opportune peut faire toute la différence lorsqu’elle parvient avant qu’une catastrophe ne frappe.
Pendant plus de trente ans, Mumow et Idagey Abdulle Gubow, mari et femme, ont construit une vie fondée sur l’amour, le travail et la résilience. Ensemble, le couple a élevé cinq enfants, deux fils et trois filles, sur une petite exploitation d’un hectare. La famille cultivait du maïs pour leurs repas, vendait des tomates et des citrons au marché local et s’occupait d’un petit troupeau de chèvres. La vie était dure, mais elle était pleine de sens.
Puis vint la chute qui a tout changé : il y a dix ans, Idagey a subi un accident qui a transformé sa vie. Tombé d’un bajaj, un véhicule motorisé à trois roues, il a subi de graves blessures à la colonne vertébrale et s’est cassé la jambe. Malgré les soins prodigués à l’hôpital de Dolo Ado, il est resté alité, incapable de marcher ou de parler. En un seul instant, les fondations du foyer ont été ébranlées, et tout le poids de la responsabilité a été transféré à sa femme.
Mumow est devenue une aide-soignante, une agricultrice et une protectrice. Chaque jour, elle s’occupait du ménage et de la ferme tout en répondant aux besoins quotidiens de son mari. Leurs deux plus jeunes filles, Fatuma, 14 ans, et Samira, 10 ans, allaient chercher de l’eau, ramassaient du bois et s’occupaient des chèvres. Pourtant, elles ont trouvé la force d’aller à l’école tous les jours, s’accrochant aux rêves de devenir un jour enseignantes, docteures ou femmes qui aideraient à améliorer leur communauté. Leur frère aîné, âgé de 21 ans, a comblé le vide laissé par son père en travaillant de longues heures comme ouvrier agricole pour maintenir la famille à flot. Pourtant, le fardeau est immense, les ressources sont rares et la terre devient de plus en plus aride. La survie devient plus difficile.
Le projet d’action anticipée
Grâce au projet d’action anticipée (AAP) financé par le Programme alimentaire mondial (PAM), la famille de Mumow a été identifiée comme vulnérable. Elle a reçu 630 kilogrammes de ration totale mélangée (une alimentation animale équilibrée obtenue en mélangeant des céréales, des légumineuses, des sous-produits et des minéraux avec de l’herbe et des parties de plantes, principalement utilisée pendant les sécheresses pour maintenir le bétail productif et en bonne santé) et 31,5 bottes de foin, au moment même où le pâturage devenait presque impossible. La famille a été formée à la manière de nourrir efficacement leurs chèvres, en limitant la ration quotidienne de chaque animal à 0,5 kg.
Les résultats ne se sont pas fait attendre : les chèvres qui s’étaient affaiblies ont repris des forces, leur pelage a commencé à briller et la production de lait de cinq chèvres allaitantes a doublé, passant de 250 ml à 500 ml par jour. Aujourd’hui, les chèvres sont toujours en bonne santé. Avec plus de lait, les enfants sont mieux nourris. Avec moins de fourrage, les filles ont plus de temps pour aller à l’école. En outre, pour la première fois depuis des années, Mumow a pu se concentrer non seulement sur la survie, mais aussi sur les soins, l’espoir et l’avenir. Enfin, le projet a permis de rappeler à une famille qui a souffert en silence pendant si longtemps et qui est restée invisible dans l’ombre des difficultés : elle n’a pas été oubliée.

« Lorsque nous agissons avant la crise, nous ne nous contentons pas de réagir, nous réécrivons la fin de l’histoire. »
Les équipes de coordination sur le terrain de VSF-Suisse à Jigjiga et Dolo Ado, soutenues par le bureau national d’Addis Abeba, ont donné vie au projet d’action anticipée. Issus de milieux techniques différents, les membres de l’équipe se sont complétés les uns les autres et ont travaillé avec un objectif commun et une vision unifiée. De l’ingénierie des systèmes d’eau à l’avancement de la science de la production de fourrage, de la gestion des ressources naturelles au renforcement des moyens de subsistance pastoraux, en donnant la parole à chacun-e-s, ils ont répondu à l’ensemble des besoins.
L’ampleur des réalisations de l’équipe éthiopienne ne se mesure pas seulement en termes d’infrastructures, mais aussi en termes d’impact : de l’eau propre coule là où il y avait autrefois de la soif, les pâturages sont revitalisés là où la terre s’était fissurée, les animaux d’élevage sont nourris là où l’espoir avait disparu. Les autorités d’Aware Woreda leur ont accordé une reconnaissance officielle, non seulement pour avoir achevé le travail, mais aussi pour l’avoir fait en avance sur le calendrier et au-delà des attentes.
Maintenant que le projet est terminé, nous avons réfléchi à l’expérience et demandé que les projets futurs incluent les ressources essentielles à la durabilité : les pompes, le carburant, les outils qui permettraient d’étendre l’impact bien au-delà de la phase initiale et d’assurer des résultats à long terme. En conclusion, ce que les équipes de VSF-Suisse ont construit n’était pas une aide temporaire. Il s’agissait de systèmes résilients d’accès à l’eau, d’une production durable de fourrage et de moyens de subsistance pastoraux renforcés, tous conçus pour perdurer bien au-delà de la fin du projet.


Wesinew Adugna
Chargé de projet
Éthiopie